Vallée de la Soummam

Comme chaque année une opération de solidarité envers les couches sociales défavorisées, appeler communément
“couffins de ramadhan” a été lancée dans chaque commune du territoire national, où les familles concernées ont eu droit à un lot de denrées alimentaires de première nécessité, distribué par les
services sociaux des APC.
Dans certaines localités de la vallée et sur les hauteurs de la Soummam, on
a appris que les responsables et services concernés, ont carrément charcuté les listes établies par les comités des villages. Pourtant, ces derniers sont plus proches des populations et sont les
vrais connaisseurs du terrain, contrairement à ces pseudos responsables, qui n’ont point de connaissance de la dure réalité du vécu quotidien de leurs compatriotes, eux qui restent à longueur de
journée confinés dans leurs terriers climatisés et ne circulent que dans leurs bagnoles toutes neuves aux couleurs et odeurs de la trahison, étant donné que leur mission principale est
normalement de veiller au bien-être de leurs sujets, non pas à leurs privations, quand on sait notamment qu’il y a quelques mois seulement ils n’ont pas arrêté de chanter à qui veut les entendre
qu’ils seront les Robins des Bois modernes et protecteurs infatigables des citoyens.
Ce scandaleux comportement a fait que cette opération et contrairement aux années précédentes, n’a pas fait que des heureux ; au contraire, beaucoup de familles n’ont pas eu accès à cette aide, ô combien précieuse, puisque elle a coïncidé avec les périodes les plus cruciales : quand on connaît les frais et dépenses qu’engendrent les vacances d’été pour beaucoup de nos ménages, mais aussi le mois sacré du Ramadhan et ces faramineuses dépenses inutiles et une rentrée scolaire qui débarque avec son lot de soucis et contraintes en tout genre, notamment les tarifs affichés par les buralistes et autres fournisseurs du consommable scolaire ce qui a fait que le trousseau scolaire a coûté cette année, la peau des fesses aux nombreux parents.
A Sidi Aïch, tout comme dans les contrées des Ath Waghlis et Ath Mansour, les citoyens notamment les pères de famille de seconde zone, sont mis à rude épreuve. Ils sont dans l’impossibilité de subvenir aux besoins les plus élémentaires de leurs familles et font face à tant de problèmes et contraintes impossibles à surmonter, surtout quant on sait que les revenus de plusieurs d’entre eux, sont très limités, frôlant la plupart du temps et des cas les limites et frontières de l’irrationnel. Une virée au marché de la ville de Sidi Aïch l’après-midi du 26e jour de Ramadhan, histoire de prendre la température des lieux, nous a renvoyé à une réalité des plus alarmantes. En effet, quelques minutes sur les lieux sont plus que suffisantes pour constater de visu, le climat très lourd des lieux et sentir cette misère puante à des kilomètres à la ronde.
Au milieu du brouhaha, des marchands de poissons et des fruits avec leurs voix de sirènes sont là tentent d’attirer les clients. Des pères de famille font les cent pas, entre l’entrée et la sortie des lieux, sans le moindre produit dans leurs couffins, ils se contentent de contempler et admirer les produits proposés à la vente sans pour autant s’approcher des étals à l’exception du poisson et certains fruits tout de même à la portée de la bourse des citoyens.
Rencontré à la sortie des lieux, Mohand Amokrane accompagné de son fils cadet Nassim nous dira : “Je voulu faire quelques emplettes pour l’Aïd, avant de me rendre ici, j’ai déjà fait quelques commerces du boulevard du 1er-Novembre, mais tous les produits sont si chers que je n’ai rien mis dans mon panier. Voyez vous-même, ici au marché il n’y a que le poisson qui reste à la portée des pauvres.” Un jeune homme qui s’est arrêté par curiosité nous affirme : “C’est vrai que les prix du poisson vendu au milieu de la journée et début d’après-midi, à hauteur de 120 DA le kilo, ont tendance à baisser de plus de la moitié à la fin de la journée, et sont cédés dans la plupart des cas à 50 et parfois à 35 DA même”, ce qui représente une aubaine et un vrai festin pour ces familles défavorisées.
Nous quitterons le marché en jetant un petit coup d’œil sur l’artère principale de la ville qui est l’avenue du 1er-Novembre, avec ces nombreux commerces en tous genres, là aussi l’atmosphère est des plus maussades. En effet, point de ces produits qui jonchaient jadis en cette période, les trottoirs avec leurs quintaux de pain chocolat, croissants, bakloua, kalbelouze... et la liste reste longue à donner de l’eau à la bouche aux plus courageux jeûneurs. Absolument rien de tout cela, même la “zlabia” pourtant très prisé, pendant ce mois sacré du Ramadhan, n’a pas trouvé preneur. Tout cela nous renseigne sur le degré de la misère qui ronge davantage le pouvoir des citoyens et qui gangrène de plus en plus notre tissu social. En cette 27e journée du mois sacré, priez et demandez clémence et grâce au Bon Dieu. Ne dit-on, pas qu’en cette occasion, les portes du ciel restent grandes ouvertes ? Néanmoins, espérant que vos prières vont droit au ciel et ne s’égareront pas en enfer.
Arezki Toufouti